Académie de la Poésie Française : conférence sur Aristide Bruant le mercredi 10 avril 2024
Chez Walczak, place Georges Brassens
L’âme du poète s’attarde
Sur les carreaux rouges et blancs
D’une toile cirée d’antan
Les curés et bourgeois brocarde
Sous les yeux d’un bœuf empaillé
Jojo gratte sur sa guitare
Et dans un joyeux tintamarre
Les copains chantent l’amitié.
Ils effeuillent la marguerite
Des amours sur les bancs publics
Cachées dans un décor unique
Loin des bien-pensants hypocrites.
Le gorille invité d’honneur
Aux filles de joie rend hommage
Quand elles ouvrent leur corsage
Pour nourrir un chaton flâneur
Le boxeur a posé ses gants
Au bord de la claire fontaine
A séché les larmes d’Hélène
Avant de rentrer dans le rang.
Mireille HEROS
26 mars 2024
Yanek Walszac a été champion d’Europe de boxe, troisième mondial et sparring-partner de Marcel Cerdan. Une fois retraité, il a décidé d’ouvrir le bar en 1950, qui d’ailleurs à l’époque ne faisait pas encore restaurant. Brassens, qui habitait à deux pas, en a fait sa cantine.
Printemps
Ode à la belle de nuit
Belle de nuit rougissante
Belle amante
Loin de ton Pérou natal
En robe de feu tu danses
Te balances
Tu es la reine du bal.
Tu écoutes la romance
De l’enfance
Quand dans le soleil Inca
Le condor déploie ses ailes
L’infidèle
Pour le cœur d’un réséda.
Tu as bravé les tempêtes
Mignonnette
Tu as traversé les nuits
Pour apporter la lumière
Bouquetière
T’épanouis à minuit
Ton parfum sucré embaume
Mon royaume
Dans le secret du jardin
Tu agites ta corolle
Si frivole
Puis séduit un baladin
Dans l’aube resplendissante
Émouvante
Tu pleures tes diamants noirs
Replie ta robe de feu
Sous les cieux
Et t’endors pleine d’espoir.
Mireille HEROS
9 mars 2024
Comme j’aime
Aujourd’hui pour séduire un homme
Pour lui faire croquer la pomme
La ligne vous devez garder
La cuisine délaisserez
Perdrez un kilo par semaine
Avec comm’j’aime, ce phénomène
Pour quelques euros vous coachera
Quelques douceurs vous préparera
Crêpes, jus d’orange dès l’aurore
Haché de bœuf pour les carnivores
L’ensemble livré pour un mois
Si vous voyez avec effroi
Que l’aiguille de la balance
Affiche une surabondance
Abandonnez, il y a mieux
Pour gommer les plis disgracieux
Deux gélules de Boulafine
Des kilos serez orpheline
Les graisses superflues, brûlées
Des loukoums vous pourrez manger
Adieu les régimes minceur
Les effaceurs de vos rondeurs
Bonjour l’incendie ravageur
Brûlant vos euros en douceur.
Mireille HEROS
6 février 2024
La muse infidèle
Quand la mélancolie se noie dans un reflet
L’âme du poète flotte sur les bleuets
Dans la nuit de juillet, sa muse se faufile
Infidèle en quête de nouvelles idylles
Dans le petit matin parfumé de jasmin
Le poète tisse la tresse du destin
Dans la soie des cheveux de la fée Mélusine
Enfuie dans la nuée des blanches sauvagines.
Mireille HEROS
23 janvier 2024
L’enfant du silence
Fleurs de coton dans le firmament, les nuages constellent l’hiver. Ils s’en vont à tire-d’ailes en surfant sur les couleurs irisées de la neige. Au pied d’un petit arbre échevelé, un jeune homme se lamente « Pourquoi moi ? Je suis le dernier d’une fratrie qui ignorait totalement mon existence jusqu’à l’ouverture du testament de mon père chez le notaire.
Depuis ma naissance dans ces montagnes qui s’offrent au ciel d’azur, je ne suis qu’une ombre. Je vis caché dans une cabane de berger avec ma mère en compagnie de quelques chèvres et un chien. Comme les arbres sous le poids de la neige, je hurle ma douleur en silence. Vivre dans le secret n’est pas une vie. Le temps se fige et parfois file quand je me mets à rêver d’une vraie famille.
Ce silence a étouffé mon enfance et mon adolescence. Je suis l’enfant sans père, la risée des camarades d’école. Mais pourquoi mon père ne m’a-t-il jamais emmené dans sa famille. Divorcé, il était libre d’avoir un autre enfant. Etait-ce si difficile d’avouer qu’il avait aimé ma mère ? »
Le jeune homme reprend sa route. Curieux, les sapins lèvent les bras vers les cimes en signe d’encouragement : « tiens bon pour petit. Il y a toujours du soleil derrière le brouillard ». Ses pas s’incrustent dans la neige, le conduisent jusqu’aux pieds d’une jeune épousée, une statue de neige qui lui barre le chemin : « tu t’en fous toi. Aux premiers rayons du soleil tu retrouveras les bras de ton amant, le torrent, et vous filerez le parfait amour. Le magot de mon père, une assurance-vie, ne me vaut que le mépris et la jalousie de mes frères et sœurs, qui sont condamnés à payer les dettes de notre géniteur. »
Soudain des cris joyeux, une truffe qui lèche son visage. Le jeune homme retrouve la chaleur de la cabane et la fidélité de son chien tandis que sur les sommets lointains, dos monstrueux d’un dragon endormi, les sapins, sentinelles du paradis blancs, s’endorment dans le soleil couchant.
Mireille HEROS
27 février 2024
Les cartes de l’imagination
Je n’ai aucune imagination alors je prends les cartes, je bats les cartes, je coupe les cartes, je donne les cartes. L’atelier d’écriture peut commencer. C’est merveilleux de voir toutes ces mains s’arracher, se disputer les cartes porteuses d’inspiration pour trouver celle qui déclenchera l’étincelle dans l’imaginaire. C’est la foire sur la table du jeu d’écriture :
- Le diable est pour moi dit Sabine
- non je l’ai trouvé avant toi, rétorque Marie,
- moi je veux le chevalier à la rose, exige André
- et moi la carte d’Aziz accoudé à son balcon, rétorque Micheline.
- Oh il y a un cadavre, c’est pour moi. C’est moi qui l’ai vu la première s’écrie Danielle.
Très vite c’est la foire. On se regarde en chien de faïence avec de la défiance plein les yeux. Non mais il ne faudrait pas pousser, déjà qu’on y a droit à chaque séance si en plus on doit partager ses idées, c’est trop pour moi, ronchonne Nicole. Les autres n’ont qu’à se gratter un peu le ciboulot.
L’animatrice reprend. Je prends les cartes, je bats les cartes, je coupe les cartes, je donne les cartes. L’atelier d’écriture peut continuer.
Dans son coin, la nouvelle qui vient de rejoindre le groupe ne prend pas de carte. Sourires en coin, on l’attend au tournant. Pour qui se prend-elle cette pimbêche encore une adepte de la spontanéité. Quand le moment de la lecture arrive, priorité est donnée à la dernière arrivée qui calmement déclare :
« Je n’ai aucune imagination alors
Je prends les cartes, 120 étudiants sont évacués pour des pâtes bolognaises en feu à Rennes*
Je bats les cartes, la première saucisse au cannabis rencontre un vif succès à Marseille
Je coupe les cartes, un footballeur mosellan écope de cinq ans de suspension pour avoir mordu le sexe d’un adversaire.
Je donne les cartes : ivre un Brestois jette la litière des chats sur sa mère.
Je brouille les cartes : en Belgique, un drone en excès de poids livre de la drogue en prison et se crashe.
L’atelier d’écriture est terminé.
Mireille HEROS
21 mars 2024
Titres parus dans presse régionale et repris dans le Tout va bien
La complainte du marchand de bonheur
Un trouvère a planté sa tente
Au milieu du jardin des plantes
Il chante du soir au matin
La belle histoire d’Aladin
Dont la lampe fait des merveilles
Sa voix est si douce à l’oreille
Qu’elle guérit les cœurs meurtris
Abandonnés sur les quais gris
Quand les chansons d’amour résonnent
Allègrement les pièces sonnent
Quand le jardin ferme ses portes
Aux sans-abris prête main-forte
Avec du soleil à minuit
Puis, sans bruit, sa route poursuit
Peu lui importe la richesse
La liberté est sa maîtresse
L’amour des autres son credo
Rêve d’un monde sans bourreaux.
Quand les chansons d’amour résonnent
Allègrement les pièces sonnent
Quand paraît Venus son amie
Drapée de mille et une nuits
Que la rose et le chèvrefeuille
Les serments des amants effeuillent
Le cœur du marchand de bonheur
Pleure une jeune fille en fleur
Elle s’est enfuie dans ses chimères
Sur la mélodie douce-amère
Des chansons d’amour qui résonnent
Quand tristement les pièces sonnent.
Mireille HEROS
2 mars 2024